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I

 

          OUI, C' EST AUSSI NOTRE MONDE, RIEN NE CHANGERA JAMAIS.

 

 

Cet homme, Axel, a tout fait, a tout vu.

Il m’a tenu un jour cette conversation : « Lucien, regardez les yeux des gens. Prenez le temps, c’est dans les yeux que se trouve l’âme. Moi, j’ai appris à observer les yeux. À travers ceux de votre père, je vois la solitude, le chagrin et la bonté. À travers les vôtres, je vois la jeunesse et cette envie de dévorer la vie. Quant à mes yeux, ils sont lourds de haine, de peine et de tristesse, mais plus jamais ils n’auront peur. Retenez ce que je vous dis, vous pouvez, vous aussi, voir cette cruauté, cette haine et cette violence dans les yeux de l’autre. Exercez-vous, ça pourra vous sauver ! Les époques passent, mais les assassins sont toujours là, rien ne change dans l’homme, il y aura toujours des dictateurs, des fanatiques et des génocides, croyez-moi ! Rien ne change jamais. » 

 

"Un prisonnier fut chargé de nous tatouer une série de chiffres maladroitement gravés dans la chair. Oublié Kajchmann Léopold. Je n’entendrai plus que mon matricule. Entre-temps, les gardes et les officiers SS continuaient de hurler et de frapper, ils étaient effrayants ; une meute d’assassins où l’être humain n’a plus de valeur. Des hommes avides de sang et de plaisir à tuer.

Dès notre premier jour de travail forcé, et ce, tous les jours, sept jours sur sept, à bout de force, en fin de journée, nous réintégrons le camp sous les yeux des gardes vigilants. Quelquefois, le sous-officier SS ordonne l’arrêt du rang. Il s’approche, il repère les fragiles, les plus épuisés. Il les fait sortir du rang et leur ordonne de se coucher à terre. Calmement, il saisit son pistolet Luger et choisit au hasard trois des hommes couchés à terre et les abat sous nos yeux d’une balle dans la tête. Un divertissement qui amuse les soldats ! S’ensuit un ordre hurlé, les autres hommes épargnés se relèvent, nous emportons les cadavres.

De toute manière, le lendemain, il y aura un nouveau convoi ferroviaire et des remplaçants. Pour nous, chaque retour était peut-être le dernier. Le sous-officier sadique avait un plaisir à se tenir bien droit, les mains derrière son dos et très souriant. Il nous saluait à notre passage d’un mouvement de la tête. Nous craignions d’entendre sa voix, une vraie torture psychologique. Je me couchais en me répétant cette phrase : “Surtout ne pas penser, ne pas penser”. Ce que mes yeux voyaient à tous les instants était la mort. Je devais apprendre à voir, sans voir. Sinon jamais, je n’allais survivre"....  

Léopold Kajchmann.  »

 

"À l’intérieur, un Simba monologue, il est accroupi, en train de contempler des bijoux, des bijoux volés. Il soulève une chaînette avec la main gauche et fait balancer un crucifix ; de sa main droite, il regroupe le petit butin, il ne m’a pas encore aperçu. Je m’approche lentement et il relève la tête. C’est là que j’ai vu pour la première fois les yeux fous d’un assassin, le regard sanguinaire. Il me sourit, la bouche barbouillée de sang séché. Étais-je en présence d’un de ces grands malades qui avaient mangé le foie des Congolais en ville ? Sans hésiter, je dirige mon arme et pose le canon sur son front. Le Simba ne sourcille pas, il continue de sourire, il ne me quitte pas des yeux. De ses deux mains, il rassemble son trésor et le pousse en avant vers mes pieds. Ce salopard me l’offre ! Je l’observe en silence, son regard est celui d’un dingue. C’est à ce moment précis que j’ai décidé de tuer. J’ai appuyé sur la détente, l’homme est parti, projeté en arrière. Je suis resté sourd un long moment à le regarder, sans regret, sans émotion. J’avais ressenti et, j’ose le dire, du plaisir, Axel. J’ai baissé le bras et collé l’arme contre ma jambe, j’ai entendu des pas dans le couloir, deux parachutistes. Je leur ai décliné mon identité. Nous étions sauvés"...

 

Axel & Gil (éditions brumerge)

J'ai tenu à travers mon roman a mettre en avant ce que j'ai appris : "Rien ne change jamais, à nous de le savoir" !

 

Pierre Paul Nélis

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